Interview de Claude Challe à l’occasion de son album « Je nous aime ».
Cugel: Je vais vous expliquer comment cela va se passer. On va tout d’abord parler de votre nouvel album et après cela de vous.
Claude Challe: Vous avez eu le temps de l’écouter ?
Cugel: Pas tout hélas, mais une partie tout de même.
Claude Challe: Une partie tout de même, vous avez survolé ?
Cugel: Je préfère vous le dire en toute honnêteté.
Claude Challe: ohoh non mais bien sûr, cela m’intéresse d’écouter un peu le feedback des gens.
Cugel: Pour le peu que j’en ai entendu, c’était super. Votre nouvel album « Je nous aime »…
Claude Challe: Ah, ce n’est pas le nouvel…., c’est mon premier album ! Avant c’était des compils. C’était fait comme des albums mais c’était quand même des compils, c’est à dire la musique des autres, mais là aujourd’hui, c’est de la musique originale.
Cugel: Quelles ont été vos sources d’inspirations pour cet album ?
Claude Challe: D’abord l’amour, ça c’est clair, c’est quelque chose, c’est vraiment quelque chose de dédié à l’amour. Et comme cela a été fait dans différents pays avec différents musiciens, c’est vraiment un album du voyage. C’est le rêve de l’amour à travers différents horizons et je me suis permis de me promener dans plein de musiques différentes, étant donné que je suis quelqu’un qui est très éclectique. Donc je ne me suis pas gêné de mélanger du jazz, du classique, de la world, plein de styles de musiques de la house et même de la trance. J’aime beaucoup la trance, c’est un domaine très petit dans notre public mais j’ai toujours été accro à la trance et j’ai d’ailleurs demandé d’avoir des remixeurs trance.
Cugel: Tout cela vient donc des voyages. Il y a quelque chose qui moi, m’a frappé. Dans le communiqué de presse je lis que vous avez enregistré en Inde, au Danemark, Santa Fé, et à New York. Cet épisode danois m’intrigue…
Claude Challe: Alors vous savez que le dernier groupe que j’ai produit, qui s’appelle « Out of Phase » est danois. Et chose que peu de gens savent, c’est qu’en Scandinavie et particulièrement au Danemark, c’est extrêmement pointu musicalement. Ce sont des gens qui ont très bien synthétisés les courants musicaux. Il y a deux – trois labels dont « Music for Dreams » particulièrement pointu et qui ont produit la meilleure musique du moment dans le genre un peu « lounge ». D’ailleurs dans mes dernières compilations, il y a beaucoup de musiques danoises. Dans « Nirvana 2 » pour vous donner un exemple il y a pas moins de 6 morceaux scandinaves.
Cugel: C’est en effet tout à fait étonnant cette école scandinave et danoise !
Claude Challe: Personnellement, je ne suis pas très branché Angleterre, Amérique. Pourquoi ? Parce que les anglais et les américains rentrent en studio pour faire des tubes. C’est normal car c’est de la grosse consommation, mais la créativité elle-même est beaucoup moindre. Dans des petits pays, dont la Belgique d’ailleurs, les artistes sont plus libres de créer à travers leurs émotions, leurs sensations, leurs sensibilités. A titre d’exemple, il y a deux trois ans tout ce qui était autrichien, allemand, était très intéressant parce que pointu et novateur. Par exemple, la musique brésilienne remixée qui a été assez à la mode, venait d’Allemagne. Les morceaux brésiliens ‘nouveaux genre’ venait plus d’Allemagne que du Brésil. Les danois, dont « Portal Trust » sont de la même trempe. Je l’ai rencontré un soir à travers une soirée. En fait tous les enregistrements se sont passés au travers des soirées que je faisais à travers le monde. Le premier enregistrement a eu lieu à Santa Fé au Nouveau Mexique, je venais d’animer le mariage de Céline Dion à Las Vegas. Je voulais faire un morceau avec les ‘natives’ américains. Et donc j’ai appelé Tulku, qui est un artiste que j’ai compilé sur « Buddha Bar I », j’aimais beaucoup son travail. Et quand je lui ai proposé de faire un morceau avec les ‘natives’ américains, étant lui même ‘native’, il a accepté. On a donc commencé par Santa Fé et cela a duré trois ans. Au début c’était très cool car je le faisais quand j’avais un petit moment et que je me posais quelque part. Il n’y a que les derniers moments qui ont été un peu speed. En fin de compte, ce qui est le plus dur, c’est de terminer. Parce qu’enregistrer, on pourrait le faire sans arrêt. Oui, finaliser a été le plus difficile.
Cugel: Au niveau des complices musicaux, je pense que c’est un mot que vous aimez bien, sur votre dernier album, il y a Nothern Comfort, Temple Of Sound (dont Neil Sparkes et Count Dubulah de Transglobal Underground) , Rollercone, y a t’il encore d’autres personnes ?
Claude Challe: Il s’agit surtout de gens que j’ai compilés au départ. J’ai donc de bonnes relations avec eux. Ce sont souvent des musiciens pas très connus (même parfois qui n’ont jamais signé). J’ai eu envie de rencontrer ces gens et de travailler avec eux, pour découvrir plusieurs manières différentes de créer. Chaque morceau a démarré différemment: soit sur une rythmique de base, soit sur une mélodie, soit sur un texte. Par exemple « A l’ombre de tes cils », c’est une amie qui m’a écrit ce texte et qui le lit. Ce sont des gens qui sont très talentueux et si je n’avais que cela à faire, j’adorerais enregistrer avec eux. Pas sortir un disque, car cela c’est plus compliqué mais d’aller enregistrer ça c’est merveilleux…. comme une feuille blanche. Arriver au bout de quelques jours, ou de quelques heures, à créer quelque chose qui vous transporte, ça c’est super ! Tout le monde a joué le jeu et j’ai souvent réuni des musiciens très différents. Il y a eu des musiciens de Jazz, de World Music. J’espère que le public trouvera cela intéressant. C’est toujours le public qui a le dernier mot
Cugel: Toujours cette idée de mélange et de fusion ?
Claude Challe: Mais il n’y a que comme cela qu’on arrive à créer quelque chose. Je suis quelque part aussi un puriste, j’aime bien les choses pures. Mais cela il y a tellement de gens qui le font bien dans leur art, dans leur création. Je pense que ce sont les aventuriers qui essaient de nouvelles expériences. Mais bon, cela peut être parfois plutôt malheureux. Des fois les mélanges ne sont pas toujours heureux. Ce n’est pas parce que c’est fusion que c’est bon… en cuisine ou en musique, cela peut amener à des catastrophes. Il faut arriver à trouver le bon équilibre. J’essaye de ne pas être indigeste.
Cugel: Vous avez une très forte actualité musicale en 2003
Claude Challe: Il y a l’album, la compilation « Nirvana Lounge 3 » qui sort au mois de juin. Il y a la réédition de mes anciennes compils que l’on ne trouve plus. Mon nouveau public, car beaucoup m’ont découvert à partir de Buddha Bar. Ceux là, ils ont envie de connaître ce qu’il y avait avant. Mais j’ai d’autres idées, il y a des choses qui me tiennent à cœur, il y aura des petites surprises pour la fin de l’année. Des petits projets sympathiques avec des images. Je suis en train de produire un DVD. Je suis en train de monter un coup mais je n’en parlerai pas maintenant, parce que je suis en plein dans les prémices et je pense que cela sera assez marrant et qu’il y aura un public intéressé par cette idée.
Cugel: Quelque chose de plus multimédia donc ?
Claude Challe: Aujourd’hui, on est en plein dans les images. Je pense que lorsqu’on est créateur, la musique fait voyager, on ferme les yeux, on voyage, on se forge nos propres images. J’ai remarqué que les plus grands moments de la vie d’un homme, les moments les plus intenses, les plus importants se vivent les yeux fermés. Un homme ou une femme qui ont un orgasme ferment les yeux, lorsqu’on est ému par une musique, souvent on ferme les yeux. Quand on est très bien à côté de quelqu’un on ferme les yeux. Mais j’ai envie de les faire ouvrir pour faire voir des choses assez extraordinaires..
Cugel: Peut être montrer ce que vous voyez lorsque vous avez les yeux fermés.
Claude Challe: Voila, montrer ce que moi je vois lorsque je ferme les yeux, mon voyage.
Cugel: Pour en revenir à l’amour, c’est quelque chose qui est très important pour vous, c’est un thème que vous trouvez toujours universel et éternel ?
Claude Challe: Pour moi, c’est carrément ma philosophie, il n’y a qu’une seule religion, c’est celle du cœur. Le cœur est toujours relié à l’amour et je trouve que c’est une énergie extraordinaire dans le sens que lorsqu’on est dans cette recherche, et je voudrais l’expliquer dans « Je nous aime »: une recherche au niveau du respect de soi, une recherche de bien se connaître soi même, pour bien arriver à aimer l’autre et arriver surtout à l’amour universel, c’est le « Je nous aime » avec nous tous, c’est pouvoir arriver à « sentir amour », à « respirer amour », « vivre amour ». Je trouve que c’est une dimension merveilleuse qui vous change la vie, on rentre dans une dimension merveilleuse, où même les choses les plus simples de la vie deviennent superbes, deviennent extraordinaires. Il faut quitter la peur, on vit dans un monde régit par la peur. A cause de nos religions, on a peur de tout. l’Homme a trop peur de tout et malheureusement il ne se libère pas dans la dimension de l’amour. Notion libératrice et surtout élévatrice qui nous rend merveilleux. Je pense que les gens qui vivent à travers l’amour deviennent merveilleux pour eux-mêmes et aussi pour les autres. J’y crois et que je crois qu’un jour l’Homme vivra à travers l’amour. Car l’amour c’est souvent un mot, un sentiment, c’est souvent un acte mais c’est surtout une énergie. C’est pour cela que « Je nous aime » est un concept que j’ai développé sur deux trois ans. L’album va aussi servir de bande son pour un film, mais il y aura également un livre dont je développe le concept, un spectacle. J’ai reçu le premier prototype aujourd’hui. Je traduis « je nous aime » en une seule phrase: le véritable amour c’est sans détruire le « je ». J’ai voulu changer de mon packaging habituel lié à mes compilations, pour montrer d’abord que c’était pas une autre de mes compilations mais aussi surtout parce que le packaging de mes compilations a tellement été repris par tous les autres que j’ai voulu faire un peu différent.
Cugel: C’est un peu la rançon du succès non ?
Claude Challe: Oui, ça me fait plaisir aussi d’une certaine façon. Car au début personne n’y croyait à mon concept quand j’ai sorti les « Bains Douches », un album luxueux avec des musiques enchaînées, avec des musiques qui venaient d’un peu partout. Universal m’a laissé faire mais ils n’y croyaient pas trop. Moi-même j’ai été surpris de l’étendue du succès, mais je pensais bien qu’il y allait avoir quelque chose. Je suis toujours mon premier client, je me demande « pourquoi il n’y a pas ce produit ? » Il n’existe pas .. alors comme je suis quelqu’un qui avale la vie de manière assez intense et assez rapide, j’ai besoin plus que les autres de nouveautés, et donc quand le produit n’existe pas et bien j’essaye de le créer moi-même.
Cugel: Vous avez fait les disques que vous cherchiez
Claude Challe: Les compilations de musiques, je devais de les offrir à un public qui n’avait pas comme moi la passion et le temps de chercher des artistes un peu différents, décalés, qui ne passent pas à la radio, dont on parle peu. Je voulais les faire découvrir à un public averti. C’est devenu aujourd’hui un phénomène de mode. Maintenant un public presque populaire écoute ce genre de musique.
Cugel: On vous qualifie de « pape de la lounge », qu’est ce que cela vous inspire ?
Claude Challe: Ben, le pape parce que j’ai été le premier. J’ai toujours défendu ce genre de musique. J’ai eu une émission de radio en 1992, il y a plus de dix ans, sur Radio Nova qui était une radio très d’avant-garde. Je passais déjà ce genre de musiques ou presque, car elle n’existait même pas. J’étais obligé de la fabriquer. Je prenais des rythmiques électroniques, je rajoutais des voix tibétaines, africaines, des violons orientaux etc.. J’ai toujours cru à cette fusion entre tous les genres et toutes les musiques. Je suis un mélomane, il y a deux choses qui me font marcher dans ma vie, l’amour – donc la femme. C’est à travers la femme que je me suis révélé, c’est à travers la multitude de femmes que j’ai découvert l’homme. J’ai découvert comme cela l’espèce humaine. La seconde chose est la musique. La musique m’a fait avancer, m’a fait découvrir le monde. Cela a été un moteur, et la musique me le rend bien aujourd’hui. C’est ça qui est gai. J’ai toujours mis toutes mes économies dans la musique. J’ai une des plus grosses collection de disques au monde. Et la musique me le rend, je récolte ce que j’ai semé, sans le vouloir en plus.
Cugel: C’est une bonne récolte ?
Claude Challe: Ah c’est une bonne récolte et même une reconnaissance ce qui au départ n’était pas voulu. Y a pas de marketing, cela a été comme cela naturel..
Cugel: Revenons aux différents médias, vous parliez de décliner « je nous aime » dans un film. Sur Internet j’ai lu une chose qui m’a un peu intrigué, c’est que vous parliez de « lounge movie », un nouveau concept. Est ce toujours d’actualité ?
Claude Challe: Oui absolument, c’est un film d’abord sur l’amour. En ce moment je suis dans l’écriture. La chose qui est nouvelle c’est que je suis en train d’écrire le scénario et le script avec la base musicale de l’album. Ce qui est l’inverse par rapport à l’habitude. J’ai voulu travailler avec des gens que je trouve très talentueux et très novateurs qui sont les gens du « Cirque du Soleil ». Ce sont des gens qui m’ont ébloui par leur spectacle. J’avais envie de travailler avec eux et un des deux créateurs Guy La Liberté a tout de suite réagi d’une manière extrêmement positive sur l’idée du film qui est une fable, un conte de fées où je vais mettre en scène des terrestres extras. Terrestres extras, cela veut dire des terrestres épanouis. Des gens bien dans leur peau au lieu de gens mal dans leur peau comme l’on voit dans beaucoup de films.
Je vous disais tout à l’heure que l’amour pouvait nous amener dans une dimension magique. Mon film montrera des gens qui vivent d’une manière extrêmement magique. Ce sera très spectaculaire à l’image. Je pense que filmer un petit déjeuner d’un couple qui s’aime ne donne pas la même chose qu’un couple qui vit dans l’indifférence. Ce qui m’excite dans ce film, c’est que cela va être une nouvelle aventure pour moi. Cela fait vingt ans que je pense à faire ce film qui est sur le même sujet. Bon maintenant, il va s’affiner. Il y a vingt ans je ne faisais pas de musique donc je pensais faire déjà travailler des gens que j’aimais bien au point de vue création musicale, mais je ne pensais pas que je ferai la musique moi même un jour. C’est presque un rêve d’enfant.
On parlais tout à l’heure du « pape de la Lounge ». Cela me donne une crédibilité, qui me permet de créer des choses nouvelles. C’est cela qui me fait avancer. Chaque fois que j’ai lancé des choses, le jour où cela marchait, cela ne m’intéressait plus. J’ai jamais vraiment été un businessman, je n’ai jamais vraiment fait les choses pour l’argent. L’argent c’est bien car c’est un véhicule de liberté. Cela me permet de faire d’autres choses. Grâce à mes compils j’ai réussi à produire d’autres artistes mais aussi produire mon album, mais surtout cela apporte une crédibilité: quelqu’un qui a du succès, on l’écoute mieux que quelqu’un qui n’en a pas. C’est dommage, car il y a plein de gens qui ont des choses à dire et à donner et on ne leur laisse pas la possibilité de le faire. Comme on dit, « on ne prête qu’au riches ».
Cugel: Il y a une phrase qui je pense est attribuée au Dalai Lama, que vous connaissez bien, qui dit « Il n’y a pas de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin ». C’est un peu quelque chose qui s’adresse à vous non ?
Claude Challe: Je pense d’abord que c’est très juste ce qu’il dit. C’est un monsieur qui ne dit que des choses merveilleuses. Je crois que dans la vie, c’est pas le but qui est important, c’est le voyage lui-même. Je pense que c’est l’expérience qui importe. Mais quel est le but ? J’ai toujours vu le but de ma vie de manière décalée par rapport à la plupart des gens. La réussite financière n’a jamais été le but. Ma réussite sociale n’a jamais été non plus mon objectif. Ma recherche a été en permanence mon bonheur. Cela a toujours été d’avoir des idées, les réaliser. J’ai eu assez de succès dans toutes mes expériences, ça donne confiance en soit et cela permet de ne plus avoir peur justement. Moi quand j’ai une idée qui se trimballe dans ma tête pendant plusieurs mois et qu’elle reste, qu’elle persiste, dès que j’ai le temps, j’essaye de la réaliser. Une fois réalisée, je passe à autre chose. Moi ce qui m’intéresse c’est de faire avancer les choses dans un sens que je trouve personnellement important. C’est d’avancer sur une évolution de l’Homme. Moi je pense que l’Homme a été programmé pour être grand et épanoui. Malheureusement il est là tel qu’il est, mais il grandi au fur et à mesure des années. Malgré tous nos problèmes, malgré lui, il évolue.
Cugel: Il y a donc un espoir pour vous ? Vous croyez en l’avancée de l’humanité et pas en l’éternel recommencement ?
Claude Challe: Ah moi j’ai plein d’espoir pour l’Homme. Je pense que l’évolution nous fait aller vers le bon. Plus on se connaît, plus on fait un travail sur soi et plus on va vers le bon. Cette transformation, cette mutation, cette crise que l’on vit d’ailleurs depuis 20, 25 ans peut être 30, est simplement une gestion mal gérée de notre mutation. Les gens qui nous dirigent, je ne sais pas ce qu’ils lisent comme journaux ou magazines ou comme livres, mais j’ai l’impression qu’ils ne sont pas très informés sur la mutation que l’Homme est en train de subir. C’est pour cela que l’on vit des crises. Il faut que chacun fasse son petit travail sur lui-même et le monde changera naturellement car chacun ira déjà mieux avec lui même et les autres. C’est ce qui est en train de se passer d’ailleurs. Les gens sont plus conscients de l’écologie, il s’y intéressent. Je ne vais pas parler de la politique car elle ne m’intéresse pas, mais les gens ont manifestés très fortement contre la guerre. Ils ont bien vu que les intérêts financiers de certains n’étaient pas ceux de l’humanité. Parce que l’on est dirigé par des gens qui ne voient que les intérêts de certains. C’est pour cela que les gens votent de moins en moins. Les hommes de la politique ont de moins en moins de crédibilité.
Je pense qu’aujourd’hui ma génération a peu à peu aboli beaucoup de choses. Dans les années 60 – 70 on a connu la fin de la religion, de certains valeurs qui étaient en place depuis des siècles voire des millénaires. J’ai eu la chance de vivre les années 60 et en plus j’étais militant, un rebelle. Sans avoir fait mai 68, j’ai été dans les communautés hippies, j’ai fait des voyages, j’ai cherché ailleurs et je crois que c’est aujourd’hui à ma génération, celles des gens qui ont vécu cela, de transmettre de nouvelles valeurs. Car la jeunesse n’a plus beaucoup de valeurs et peut être est ce à nous avant de partir (on a encore 10 ou 15 ans) d’agir. Les gens de ma génération arrivent à un certain niveau de pouvoir. Ils dirigent les choses mais ce sont des gens qui ont fumés des pétards.
Quand on a fumé des pétards, on est plus les mêmes qu’avant. Cela fait partie d’une chose, d’une expérience importante le pétard. Le pétard ou le reste car faire une « expérience », moi je trouve cela intéressant. La drogue, je peux en parler d’une manière extrêmement ouverte. La plupart des gens prennent de la drogue pour se sauver d’eux-mêmes. C’est un mal de vie, ils essaient de se droguer pour mieux échapper à leur vie. Par contre les gens qui font des « expériences » pour sublimer leurs vies, je trouve cela intéressant comme les gens qui boivent de l’alcool. En plus les drogues occidentales sont tolérées (exemple les tranquillisants) mais on interdit les drogues orientales. Les herbes que la nature nous donne n’ont jamais fait de mal à personne. On peut vraiment s’en passer, moi cela fait 35 ans que je fume et quand il n’y en a pas, j’ai pas de problèmes.
Cugel: La situation est en train de changer au niveau de la légalisation des drogues douces non ?
Claude Challe: Ah par exemple en France, c’est la « réaction », notre ministre de l’intérieur fait des choses assez musclées, il va ficher les 7 ou 8 millions de fumeurs de pétards. En France, on est vachement réactionnaire là dessus. Dans la plupart des pays d’Europe, cela se libéralise, cela devient de nos jours « normalisé » mais pas en France. En France, on est un petit peu bizarre.
Cugel: Une chose qui m’a frappée en observant votre parcours, vous voyagez énormément on l’a vu, l’Orient est super important pour vous par rapport à vos origines, mais j’ai un peu l’impression que le monde latino etc.. est un peu écarté.. je me trompe ?
Claude Challe: Vous avez pas tort, il y a des pays où je ne suis pas très attiré. J’y vais pour la beauté des paysages, la nature. Je pense qu’en Afrique et en Amérique du Sud, il y a un problème d’égo, un manque d’évolution, mais attention je ne dis pas cela d’une manière péjorative parce que les africains sont des gens extraordinaires. Moi je sens bien dans des pays Zen, les orientaux sont vachement Zen, par leurs philosophies, leurs cultures et par leurs traditions. Cela me convient mieux, je me sens très bien dans un pays bouddhiste. J’étais en Thaïlande il y a 15 jours, c’est pas la même vibration que dans un pays musulman (quoique j’adore les pays islamiques car ils ont un art de vivre très cool, très hospitalier). J’ai fait l’Amérique Centrale il y a quelques années et je n’y ai pas senti une bonne énergie. J’y ai ressenti beaucoup de violence. En plus les indiens ont été fort détériorés par les blancs qui leur ont donné de l’alcool. On les a détruit. J’ai senti quelque chose de très violent dans ces pays. J’ai découvert l’Asie il y a quelques années et j’ai du mal à voyager ailleurs, l’Asie est pour moi… Je m’y sens dans des pantoufles. Je m’installe au Maroc l’année prochaine Je suis né en Tunisie, que je ne connais pas d’ailleurs et cela m’a donné ce côté oriental et c’est vrai qu’au Maroc, c’est comme à la maison et en plus c’est pas trop loin de chez nous. J’y suis dépaysé car c’est « mielleux » moi j’adore les pays « mielleux » où il y a du miel, où ça glisse, où il y a beaucoup d’amour. On parle gentiment, c’est généreux, c’est plus simple, il n’y a pas de rapports de forces. Moi par exemple, les États-Unis, c’est pas du tout mon truc, j’y vais en mission commandée uniquement. Les États-Unis sont un pays où seule la compétition est importante. Et uniquement la compétition dans le cadre de la réussite sociale. Pour moi la réussite spirituelle est plus importante que la réussite sociale. C’est pour cela que quand Dieu est le dollar, cela ne peut pas m’intéresser. Un pays où l’on respecte plus un gangster riche qu’un honnête homme pauvre, pour cela ça n’est pas un pays qui me convient.
Cugel: L’écriture, pouvons nous en parler ?
Claude Challe: Je vais développer ma bio en rentrant dans des expériences personnelles assez drôles qui m’ont permis de lutter et qui m’ont permis de grandir. Bien sûr dans mon livre, on parlera beaucoup de femmes, d’amour et de musiques, choses qui comme vous le savez ont toujours été importante pour moi. Les rencontres sont aussi déterminantes, nous sommes les architectes de notre vie. Nous créons notre vie et ma recherche de la nouveauté, m’ont permis d’avoir toujours des expériences assez étonnantes.
Ce qui m’a intéressé dans mon album c’est d’abord d’avoir fait un album qui aurait été impossible il y a 10 ou 15 ans: ne pas être musicien, ne pas savoir jouer d’un instrument, ne pas connaître le solfège, mais pouvoir réaliser cette musique avec d’autres gens qui sont eux des musiciens. A travers une histoire que je veux raconter, une émotion que j’ai envie d’exprimer. J’ai essayé de les faire sortir de leurs contextes habituels. Je les ai surtout mélangé avec d’autres musiciens qui étaient décalés par rapport à eux-mêmes. C’est pour cela que l’on retrouve pleins de sons différents dans l’album et aussi montrer par mon côté mélomane, moi qui adore la musique, qui vit avec elle 24h/24. Mais rien ne remplacera une très belle voix, rien ne remplacera le virtuose qui joue bien de son instrument. L’électronique est pour moi un plus, mais tout seul, j’aime pas trop. J’aime l’apport, la sensibilité humaine ou un instrument joué par un humain. Mais le mélange des deux est intéressant. J’ai toujours aimé la fusion dans tous les domaines. Je suis un oriental né dans un continent qui est l’Afrique, dans un pays islamique, élevé dans une tradition juive, pour vivre en Europe Occidentale. Tout cela fait un beau mélange que j’apprécie. L’humain m’a passionné, surtout la femme…
Cugel: Pourquoi les femmes ?
Claude Challe: Parce que d’abord elles me donnent l’envie de me surpasser, de me découvrir encore plus, de mettre au jour mes faces cachées. Je pense que l’amour est un très bon révélateur. Révélateur des sens et des émotions et c’est la chaleur des autres, même si je suis très zen avec moi-même, mais j’aime bien être avec les autres car cela crée un contact, une conversation, cela crée un enrichissement mais surtout des histoires.
Cugel: Quand on voit votre parcours c’est un roman d’aventures!
Claude Challe: C’est pour cela que j’écris un livre ! Plusieurs éditeurs m’ont demandé d’écrire ma bio. Je fais moi-même mon livre, je le produis et après je trouverai des distributeurs. Comme cela, ça me donne la liberté totale de le faire et dans mon livre, il y aura une compilation de 55 ans de musiques. Je pars de ma naissance, jusqu’à aujourd’hui: tous les morceaux qui m’ont influencés. C’est très dur à faire, cela fait un an que je suis dessus. J’ai énormément de mal à compiler les morceaux importants de ma vie. Ceux qui m’ont fait avancer. J’ai toujours aimé la musique un peu décalée sur le moment. Pour prendre un exemple, à l’époque des Beatles ou des Rolling Stones, moi j’étais déjà ailleurs. C’était trop commercial pour moi. J’ai surtout cherché les sons qui ont inspirés les Rolling Stones, Pink Floyd etc..
Cugel: Ca promet d’être impressionnant
Claude Challe: Je pense, je me suis relu il y a 15 jours en Thaïlande, j’avais un peu de temps et je me suis fait rire tout seul. Si cela me fait rire moi, cela fera rire les autres.
Cugel: Dernière question, peut être un peu bateau, mais comment devient on monsieur Claude Challe ?
Claude Challe: C’est une question intéressante, je ne sais pas si l’on devient monsieur Claude Challe. Moi c’est comme je vous ai dit tout à l’heure, c’est l’amour, donc la femme, les amis et la musique qui m’ont fait avancé à travers des expériences, des aventures et qui me donnent cette passion pour la vie. J’ai des passions pour la vie de chaque instant. Moi c’est l’instant que je vis qui est important. J’essaie de le vivre pleinement, intensément, je pense que chaque instant est sacré. Parce qu’il est vierge et que souvent les gens violent leur instant, parce qu’ils pensent à leur passé, ils projettent sur leur futur. Si on s’arrêtait vraiment sur l’instant que l’on vit, on écouterait beaucoup plus intensément, on toucherais beaucoup plus intensément. On se rend compte que chaque instant qui passe, on ne le revivra pas une deuxième fois. Ca a l’air très simple et très évident, mais c’est la base de la philosophie de l’extrême orient dans le bouddhisme, le taoïsme, la clé c’est du bonheur, c’est le « ici et maintenant ». Lorsqu’on est très jeune, on se rend pas compte de cela. Comme le « lâcher prise », on ne sait pas ce que c’est. Mais le « ici et maintenant » est vraiment pour moi une clé. Surtout lorsqu’on est programmé sur le positif. Chaque acte de chaque instant, entraîne le prochain, qui est positif lui-même. Comme je le dis souvent, le hasard n’existe pas, le hasard il est divin quand on est positif et il est diabolique quand on est négatif.